Aucune rançon n’avait été demandée, pourtant cela avait fait le tour de l’école.
Un homme bien sous tout rapport, portant un pantalon gris, blaser bleu marine, chemise et cravate, l’avait brusquement alpagué, et entrainé vers la coccinelle blanche , qui s’éloigna au bout de la rue, en laissant derrière elle le doute , la peur ,et l’incertitude ( doute et crainte de ses petits camarades qui se demandait bien ce qui allait lui arriver).
Cette histoire je m’en souviens comme si c’était hier, et pour cause cet enfant c’était moi..
Je me souviens encore des minutes qui précédèrent :
J’étais en bas de mon immeuble entrain de négocier, avec ma mère par l’embrasure de la fenêtre, l’autorisation d’amener à l’école un jouet de pacotille, qui devait être si je m’en souviens bien un pistolet à bouchon.
J’ai encore en mémoire la tournure que pris la discussion, l’énervement qui s’en suivi, et mon père qui arrivait à ce moment là pour déjeuner, et qui me demandait de rentrer pour éviter un esclandre publique.
Je me souviens encore de la peur qui m’envahit soudain à l’idée de la raclée du siècle que j’allais sans aucun doute recevoir, et à l’idée saugrenue que j’eue alors de prendre mes jambes à mon cou et de partir alors pour le chemin de l’école.
Je me souviens aussi de mon camarade d’alors qui pour m’aider me proposa de me cacher dans une gigantesque buse en béton , posée là par je ne sais quel miracle, et la chaleur qui m’envahit tout à coup à l’idée de rester planquer là dans ce grand tuyau froid.
Je me souviens aussi du crissement de pneus de la coccinelle blanche, de ma course effrénée contre la peur, du haut de mes petites jambes , au centre de ces barres d’immeubles vieillis prématurément par le temps , sur cette grande étendue de pelouse jaunie par le printemps, au milieu des aires de jeux ,des bosquets et allées.
Je me rappelle surtout de cette main qui se crispa sur ma nuque, m’entrainant violement dans la voiture, le claquement sec de la portière qui se ferme, et une grosse voix qui me lança :
« si je t’emmène à l’école ce n’est pas pour te faire plaisir mais parce que tu es en retard. »
Je revois encore le regard interloqué de mes camarades déjà alignés en rang pour rejoindre la salle de classe, lorsqu’ils comprirent que de mon père il ne connaissait rien, si ce n’est ce fils pour le moins turbulent…